Théorie X et Y : l’humain travaille-t-il par plaisir ?

Vie & bien-être au travail
6
min
Publié le
14/1/25

L'auteure de cet article

Sarah Torné
Sarah est journaliste B2B & RH, Content Strategist et Coach. Elle a rejoint le monde des chiffres pour aider les lecteurs du média Coonter à booster leur carrière et s'épanouir dans leur travail.

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Sommaire

« Travailler pour vivre ou vivre pour travailler ? » La question semble aussi vieille que l’idée même du travail 💭

Et pourtant, elle continue d’alimenter nos débats, nos réflexions… Et parfois, nos frustrations.

Dans les années 60, le psychologue Douglas McGregor a tenté d’y répondre avec les célèbres théories X et Y

Deux visions opposées du travail et de ceux qui s’y attellent : d’un côté, la théorie X, qui considère l’humain comme un être réticent, motivé par la contrainte. 

De l’autre, la théorie Y, qui mise sur l’envie naturelle de s’accomplir et de contribuer.

Ces théories, bien qu’anciennes, résonnent encore aujourd’hui. 

Parce que le travail, au fond, reste un mélange de plaisir et d’obligation

Et parce que, dans le quotidien des professionnels du chiffre, jongler entre deadlines fiscales et accompagnement stratégique est une gymnastique qui illustre parfaitement cette dualité.

Alors, où en est-on ? Ces deux visions opposées sont-elles toujours d’actualité ? Et surtout, peuvent-elles nous aider à mieux comprendre notre rapport au travail ? Décryptage.

Le psychologue Douglas Murray McGregor (1906-1964) est à l'origine de la théorie X et Y

Théorie X : l'humain, réticent au travail

Envie de fuir dès qu’il faut consolider un fichier Excel ou vérifier une facture ? C’est la vision du travail qu’avait Douglas McGregor en élaborant sa célèbre « théorie X ».

Une vision pessimiste du travailleur

Selon cette hypothèse, l’être humain serait allergique au travail. 

Fainéant par nature, il n’aspirerait qu’à une chose : faire le minimum pour encaisser son chèque. 

(Pros du chiffre, on parle ici de rentabilité humaine proche de zéro 📉)

Pour McGregor, un salarié moyen n'accepte de travailler que sous contrainte

Ici la carotte ne suffit pas, il faut aussi le bâton : supervision étroite, contrôle rigoureux, voire menace de sanctions. 

Selon la théorie X, pour certains le travail est un boulet
Selon la théorie X, l'être humain travaille seulement par obligation

Autant dire que dans cette logique, les managers se transforment en brigade anti-laxisme : ils serrent les rangs, contrôlent des dossiers, pointent quotidiennement les avancées…

Si vous êtes expert-comptable, vous vous reconnaîtrez peut-être dans ces moments où, en pleine période fiscale, vous vous sentez comme un surveillant général. « Où est le dossier X ? »,  « Pourquoi le rapprochement bancaire n’est-il pas terminé ? ».

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Les racines historiques du contrôle au travail

Pour comprendre la théorie X, il faut remonter aux débuts du management scientifique avec Frederick Winslow Taylor. 

Pionnier du management scientifique, Taylor prônait, dès le début du 20ème siècle, une organisation hyper-rationalisée du travail, où l'efficacité passait par une supervision quasi militaire. 

Cette approche, héritée des besoins industriels de l’époque, a marqué durablement la manière dont on perçoit la gestion des équipes.

Dans son ouvrage « The Principles of Scientific Management » publié en 1911, il propose une méthode où chaque tâche est minutieusement décomposée, mesurée, et optimisée. 

Les salariés, selon lui, doivent suivre des instructions précises, définies par des experts, afin d’éliminer toute perte de temps ou d’efforts inutiles. 

Cette gestion repose sur un contrôle strict, car Taylor pensait que, livrés à eux-mêmes, les travailleurs n’atteindraient pas leur plein potentiel.

Cette vision, très mécanique, réduit l’humain à un simple rouage dans un système productif. 

Elle a posé les bases d’un management plus efficace à l’époque industrielle, mais elle reflète aussi un manque de confiance dans la motivation intrinsèque des employés, idée qui a nourri la « théorie X » de McGregor.

Les limites de l’hyper-contrôle

Les études plus récentes s’accordent à dire que lorsque la supervision devient omniprésente, l’effet peut être dévastateur. 

En s’appuyant sur les travaux de Jack Zenger et Joseph Folkman, on comprend que l’hyper-contrôle entraîne une perte de confiance des collaborateurs envers leurs supérieurs. 

Les managers trop interventionnistes, pensant compenser un manque de compétences perçu chez leurs équipes, aggravent en réalité la situation.

Résultat ? Stress chronique, perte de motivation et départs en série. 😔

Prenons l’exemple d’une équipe de comptables. 

Dans une logique « théorie X », l’accent est mis sur les contrôles multiples et les instructions strictes, plutôt que sur l’autonomie ou la confiance. 

À court terme, cela peut marcher : les dossiers avancent, les chiffres tombent, et tout semble sous contrôle. Mais à long terme ? Cette pression constante provoque frustration, turnover, et une perte de créativité (oui, même dans les bilans comptables, il faut faire preuve d’ingéniosité !).

Attention à ne pas tomber dans l’effet inverse

Selon une enquête menée par Laura Vanderkam, un bon manager doit passer en moyenne six heures par semaine avec chacun de ses employés pour maintenir un équilibre. Trop peu de suivi, et les employés se sentent abandonnés.

Ce constat est renforcé par une étude de l’Edhec : près d’un collaborateur sur deux reproche à son supérieur un manque d’encouragements et un accompagnement insuffisant.

La solution ? Trouver ce fameux équilibre entre contrôle et autonomie.

Alors, que penser de la théorie X ? Si elle peut sembler dépassée, elle continue de faire écho dans de nombreux contextes professionnels.

Mais rassurez-vous : l’histoire ne s’arrête pas là. Une autre vision, bien plus optimiste, vient contrebalancer ce point de vue morose. 

Théorie Y : le travail comme source d'épanouissement

Et si, au lieu de traîner des pieds jusqu’à la machine à café, les salariés arrivaient au bureau avec l’envie de s’investir, d’apprendre et de progresser ? 

C’est cette vision que propose la théorie Y.

Une vision optimiste du travailleur

La théorie Y repose sur une conviction forte : les individus ne travaillent pas uniquement pour subvenir à leurs besoins, mais aussi pour s’épanouir, développer leurs compétences et contribuer à des projets qui font sens. 

Contrairement à la théorie X, qui présume que les salariés doivent être poussés ou surveillés pour produire des résultats, cette approche valorise la motivation intrinsèque et l’engagement naturel des travailleurs.

Un homme heureux d'aller au travail, comme le suggère la théorie Y
La théorie Y soutient que l'humain est naturellement motivé par le travail

Prenons l’exemple d’un collaborateur comptable. 

Il commence sa carrière en effectuant des tâches routinières, comme la saisie de factures, mais évolue progressivement vers des fonctions plus stratégiques, comme l’analyse financière ou le conseil. 

Ce parcours d’évolution reflète un environnement qui soutient son développement : on lui donne l’autonomie pour prendre des initiatives, résoudre des problèmes complexes, et innover dans sa pratique.

De plus, son travail est valorisé par ses supérieurs, qui reconnaissent ses efforts et son impact sur l’entreprise. 

Cette reconnaissance, combinée à des opportunités de progression, nourrit son sentiment d’accomplissement. 

Dans ce cadre, ce collaborateur ne se contente pas de « faire son job » : il trouve un véritable épanouissement dans ses missions, devenant un acteur clé dans les décisions financières et stratégiques.

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Donner du sens au travail

La théorie Y a été renforcée par les travaux de Martin Seligman, pionnier de la psychologie positive, qui montrent que l’alignement entre les valeurs personnelles et les objectifs professionnels favorise à la fois l’engagement et la performance.

Dans son ouvrage « Authentic Happiness » (2002), Seligman identifie trois dimensions du bonheur authentique : 

  • La vie agréable (émotions positives), 
  • La vie engagée (engagement profond) 
  • Et la vie pleine de sens (signification). 

Il souligne que l'utilisation quotidienne de nos forces et vertus personnelles conduit à une satisfaction authentique et à une gratification abondante. 

Cette approche suggère que lorsque les individus peuvent exprimer leurs valeurs et forces intrinsèques dans leur travail, ils sont plus susceptibles d'être engagés et performants. 

Dans le secteur comptable, cette approche se reflète clairement dans l'évolution des attentes des collaborateurs. 

De plus en plus, ils trouvent du sens dans le rôle de conseiller auprès de leurs clients. Cette quête de sens transforme leur quotidien : ils ne se contentent plus d’exécuter des tâches, mais deviennent des partenaires stratégiques des entreprises, en guidant leurs clients vers des décisions éclairées.

Les trois leviers pour un travailleur motivé

Selon les chercheurs Deci et Ryan, créateurs de la théorie de l’autodétermination, dans leur ouvrage « Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons », présentent les trois éléments fondamentaux qui boostent la motivation : 

  • L’autonomie, 
  • La compétence, 
  • Et les relations sociales.

Donc, par exemple, lorsqu’un professionnel du chiffre sent qu’il maîtrise son travail, qu’il est entouré d’une équipe collaborative, et qu’on lui laisse la liberté de prendre des initiatives, il atteint un état de « flow », où la productivité et la satisfaction explosent. 

Schéma qui résume la théorie de l'autodétermination

Au-delà des théories : où en est-on aujourd’hui ?

Entre plaisir et obligation, le rapport au travail est rarement tout noir ou tout blanc. 

Des salariés entre X et Y : une réalité hybride

Pour beaucoup, le quotidien au travail oscille entre la contrainte et l’épanouissement, entre les logiques de la théorie X et celles de la théorie Y. 

Par exemple, les comptables se retrouvent à la fois sous pression lors des clôtures comptables ou des audits, et dans le même temps, ils peuvent trouver une satisfaction réelle à résoudre des problèmes complexes ou à accompagner leurs clients dans des décisions stratégiques.

Cette dualité n’a rien d’étonnant. Selon une étude Gallup sur l’engagement au travail, seulement 23 % des salariés se déclarent engagés dans leur emploi, tandis qu’un nombre important oscille entre satisfaction occasionnelle et désengagement total. 

En clair, personne n’est totalement « X » ou « Y » : la réalité est plus nuancée, et c’est cette hybridité qu’il faut apprendre à gérer.

Les nouveaux modèles du travail : vers plus d’équilibre ?

Les lignes bougent. Les entreprises adoptent de plus en plus des organisations moins hiérarchiques et plus centrées sur la collaboration. 

L’adoption croissante du télétravail a également transformé les dynamiques professionnelles, en offrant plus de flexibilité aux salariés. Cette autonomie peut renforcer la motivation intrinsèque.

Une étude de la DARES souligne que les télétravailleurs jouissent d’une plus grande autonomie, notamment dans la gestion de leur temps de travail, et subissent une moindre intensité de travail grâce à la réduction des interruptions.

Toutefois, le télétravail soulève aussi des défis : la solitude, le manque de communication, et parfois une gestion trop intrusive qui réintroduit des mécanismes de contrôle (théorie X).

Alors, l’être humain travaille-t-il par obligation ou par plaisir ? 

Si certains aspects du travail relèvent clairement de la contrainte (théorie X), d’autres, comme la recherche d’autonomie ou l’accomplissement personnel, démontrent que la théorie Y n’est jamais loin.

Cette dualité nous rappelle que le travail est aussi une affaire d’équilibre : entre les exigences d’un poste et la quête de sens, entre les attentes des entreprises et les aspirations des collaborateurs.

Et vous, le matin, entre votre café et vos tableaux Excel, êtes-vous plutôt X ou Y ? Ou peut-être un peu des deux, comme tout le monde 😊

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